Thursday, April 19, 2012

Article de Edgar Reichmann dans L'Arche


Mosaïque par Odile Suganas

"Une femme part à la recherche de ses ancêtres juifs lituaniens et raconte cela dans un livre-album où les personnages nous interpellent à chaque page. Le graphisme et le style servent ici une démarche intelligente et sincère".

Saturday, April 7, 2012

Mosaïque: disponible en trois langues

Mosaïque est le premier livre écrit (en 1993) sur la découverte des racines familiales après l'indépendance de la Lituanie.



En vente : 
                  Librairie L’Ecailler, 101, rue du Théâtre 75015
                  Mémorial de la Shoah, Paris 75004 Paris et en ligne
                  contact@memorialdelashoah.org
                  Memorial de Caen 
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                  Musée d'art et d'histoire du Judaïsme, Paris 3ème
                  Librairie Le Divan, Paris 15ème
                  Museum of Jewish Heritage, New York
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                  Librairie française, Vilnius, Lituanie
                  Yad Vashem, Jérusalem, Israël

                 


Publié en lituanien en 2007...


Disponible ici: Knygynas "Pegasas"  Prancūziškos knygos Didžioji g.1 LT-01128 Vilnius
Tél./fax : 00 370 5 262 05 17 - librairie@pegasas.lt


Traduit en anglais (des Etats-Unis) en 2010 sous le titre Vanished Faces





















Distributed by:

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Museum of Jewish Heritage, New York
Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme, 71 Rue du Temple, 75003 Paris
Mémorial de la Shoah, 17 Rue Geoffroy l'Asnier, 75004 Paris et en ligne librairie@memorialdelashoah.org
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Où en est l'antisémitisme en Lituanie ?


(Publié en deux parties dans Cahiers Bernard Lazare de Décembre 2004 et Janvier 2005)

Par Odile Suganas


A mon retour de Lituanie, le rédacteur en chef des Cahiers Bernard Lazare m’a demandé gentiment mais catégoriquement : - “Ecris-moi un article sur l’antisémitisme”. Il était pressé, moi aussi - J’ai dit d’accord. Je ne m’y attendais pas du tout. Vaste sujet,  lorsque l’on ne vit pas dans le pays et que de surcroît l’on n’est pas historienne.

Le Larousse définit l’antisémitisme comme une doctrine ou attitude de ceux qui sont hostiles aux juifs et tendent à faire prendre contre eux des mesures d’exception. Le Robert, beaucoup plus laconique, le définit comme un racisme dirigé contre les Juifs. Quelle que soit la définition, l’antisémitisme est une maladie perverse dont on se sert à travers les époques troublées, remède universel et pratique, qu’il est bien difficile de combattre tant la simplicité des concepts  énoncés est ancrée dans les esprits et le restent pour certains. Moyen facile d’évacuer sur une minorité ce qui ne va pas et dérouler le tapis rouge au déchaînement des pulsions les plus basses, prétextes à la barbarie. Des lieux géographiques reflètent les tragédies de l’histoire dont les peuples sont imprégnés.
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Que ce soit en France ou à l’étranger, pour beaucoup de juifs, particulièrement les litvaks, le mot Lituanie est souvent un objet de répulsion. C’est un pays où ils ne se rendront jamais  - combien de fois ne l’ai-je pas entendu- le pays est imbibé de sang.  Puis il y a ceux qui ne sont pas intéressés par le passé ; pour d’autres encore, c’est un pan douloureux et pénible de leur vie, où toute leur famille fut annihilée, maintenant un autre monde, sur lequel ils ne veulent pas se pencher. Par contre, certains aimeraient s’y rendre mais butent obstinément sur les actes commis par un grand nombre de lituaniens qui ont massacré en les humiliant, nombre de leurs voisins, dès le début de l’invasion allemande. 

Il ne faut pas oublier que la Lituanie est le pays où le pourcentage de Juifs tués est le plus élevé, par rapport à sa population. De plus, une “grande indulgence” a été démontrée dans le jugement de ses criminels de guerre lesquels, pour la plupart, sont morts dans leur lit. Aleksandras Lileikis par exemple n’a jamais pu être jugé -  pour cause de maladie -  il est mort, lui aussi, dans son lit. Ses amis lui ont réservé une belle cérémonie et il a été enterré comme une victime. Beaucoup de ces criminels ont été réhabilités et ont pu bénéficier d’une pension ; pour exemple Aloyzas Juodis, servit dans le 12ème bataillon[1] et fut réhabilité le 12 décembre 1990, Ignace Asadauskas, chef adjoint de la police de Varèna a été réhabilité le 8 novembre 1990, Pranas Jučinskas, chef de la police de la région de Degutai a été réhabilité le 19 février 1991[2], ainsi que beaucoup d’autres.
 Pour mémoire, souvenons-nous que, suite à la défaite allemande, la Lituanie a été libérée en juillet 44 puis ré-annexée par les Soviétiques en octobre 44.  En février 1991, la Lituanie  recouvrait son indépendance.

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Il y a onze ans, en octobre 1993, une conférence internationale s’est tenue à Vilnius pour commémorer le cinquantenaire de la liquidation du ghetto de Vilna le 23 septembre 1943, “Les Jours de la Mémoire”. C’était la première fois, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qu’une manifestation de cette ampleur, concernant les Juifs, se déroulait en Lituanie. Je me souviens avoir été frappée par le fait qu’aucune affiche n’annonçait l’événement, pas même une à  l’extérieur du bâtiment où elle se tenait. A part les organisateurs, les participants, des partisans et des déportés survivants, ajoutés aux happy few invités, je m’étais dit que cet événement était vraiment très confidentiel. Un excès de modestie ; non, de la prudence, le sujet était délicat, même si les responsables, côté Vilnius étaient rompus à cet exercice. Deux thèmes avaient été principalement abordés : six siècles de présence juive et la responsabilité des lituaniens dans le génocide. 

Certaines interventions avaient été houleuses, particulièrement celle d’Efraïm Zuroff[3], portant sur La mémoire du meurtre et le meurtre de la Mémoire, lorsqu’il avait  minutieusement  dressé les actions commises par le Front des Activistes Lituaniens (L.A.F.), le 12ème bataillon de la Police auxiliaire sous le commandement du Major Antanas Impulevicius, et demandé l’autorisation d’ouvrir un Centre Simon Wiesenthal à Vilnius, pour enquêter sur les réhabilitations des criminels de guerre. A ce jour, ce Centre n’a jamais été ouvert. Des historiens lituaniens avaient violemment nié ces faits. Parmi eux l’historien L. Truska, avait soutenu que les Lituaniens étaient un peuple de paysans et qu’il n’y avait jamais eu de pogroms en Lituanie[4], accusant tous les juifs d’appartenir au KGB. Il avait été démontré que c’était faux et qu’une poignée seulement en faisait partie. Depuis, L. Truska a reconnu avec d’autres collègues que, par méconnaissance des faits et par manque d’informations, ils s’étaient trompés.

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Le professeur Dov Levin[5] dont l’exposé portait sur Quelques faits et problèmes au sujet du combat des juifs lituaniens contre les Nazis et leurs collaborateurs (1941 - 1945)[6] avait fait, lui aussi une intervention vigoureuse et avait démonté avec une clarté remarquable ces affirmations fallacieuses. Les survivants de Vilnius (Vilna) et de Kaunas (Kovno) avaient tous protesté devant ces fausses allégations. En 1995, l’association des Juifs lituaniens en Israël a publié, un opuscule  de 95 pages intitulé : Lithuania, Crime and Punishment[7], entièrement consacrée à l’attitude de nombreux lituaniens au cours de la Seconde guerre mondiale.

Tous ces débats ont été filmés par Saulius Beržinis et Alicija Zukauskaité, assistés pour le script par Philo Bregstein[8]. Ce film s’intitule “Les Jours de la Mémoire” dans lequel on peut voir que la médaille des Justes est décernée à un couple de lituaniens.

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A Vievis, il y a déjà plusieurs années, dans le sthetl de mon père, j’ai pu entrer sans difficulté dans une des maisons familiales, qui  n’avait pas été remise en état comme certaines autres ; celle-ci apparaissait dans son état originel. Sa gonkos[9] faites de petits losanges lui donnait une allure pleine de charme. Là, avait habité ma grand-tante Sonia Katz, soeur de ma grand-mère maternelle. La vieille paysanne m’avait montré un recoin et m’avait dit : C’est ici qu’ils cachaient leur or. Bel exemple d’archeo-antisémitisme Elle voulait peut-être m’être agréable, mais elle ne se rendait absolument pas compte de ce qu’elle disait. Je ne lui en ai pas voulu.

 A ma question : l’antisémitisme est-il différent dans les villes que dans les campagnes,  Dalia Epstein me répond qu’il n’y a plus de Juifs dans les campagnes et qu’il s’agit de préjugés très anciens, comme celui de se servir du sang chrétien dans la fabrication des Matzot. Voici l’anecdote récente qu’elle vient de vivre le mois dernier. Elle faisait visiter à un groupe d’écoliers la galerie des Justes à Vilnius, en mettant clairement l’accent sur l’innocence des victimes et l’héroïsme des sauveurs ; à la fin de son intervention, un gentil garçon de 11 ans lui demanda : - Pourquoi avoir sauvé ces Juifs, qui étaient des gens très méchants ? - Pourquoi dis-tu cela lui rétorqua-t-elle ? - C’est parce que les Juifs se mettent à table avec leurs chapeaux -  répondit-il.

 L’antisémitisme existe donc sous une forme inconsciente et se manifeste spontanément par la transmission orale des familles. A qui la faute ? Pourquoi continue t-on à raconter de telles sornettes ! Ici, les vieux préjugés sont tout à fait vivants dans l’esprit des gens.  Mais c’est surtout dans le folklore, avec les proverbes qu’il se manifeste comme par exemple : “Aimons-nous comme des frères, réglons nos comptes comme des Juifs”.
 Pour ce qui concerne l’enseignement de la Shoah, Dalia Epstein estime que cela bouge beaucoup. Des concours de composition d’écoliers sont organisés sur le thème: ”Les voisins Juifs de mes grands-parents et de mes arrières grands-parents” dans lesquelles de jolies histoires sont racontées: l’amitié entre les Lituaniens et les Juifs d’avant la guerre. Elle termine alors le récit de ces quelques expériences sur cette question: si tout était si 
merveilleux, pourquoi est-ce devenu si terrible ?

Pour Zibuntas Mikšys, graveur, l’antisémitisme existe toujours car il y en a toujours eu, mais il n’est pas dangereux. Ceux qui le sont, n’ont pas de postes importants. Le journal Respublica, bien connu pour son antisémitisme est composé de jeunes. Il reproduit des dessins et des illustrations à l’identique de ceux que produisaient sur ce sujet les nazis. Un numéro spécial de 23 pages y a même été consacré.


Même question à Salomé Yosade, jeune étudiante lituanienne de 19 ans, qui poursuit des études de droit international à Paris. Elle me répond : “l’antisémitisme lorsqu’il n’y a pas de Juifs ou si peu de Juifs en Lituanie, est difficile. Les gens n’ont pas conscience de ce qu’ils disent, et il est très ardu d’en parler parce que c’est un concept abstrait ; mais une certaine propagande d’avant-guerre ressort, par exemple dans l’emploi du terme péjoratif 'jid' - Juif". Elle me parle alors de sa  grand-mère, brillant médecin endocrinologue qui, lorsqu’elle essaie de la faire parler de la guerre a des blancs - elle ne se souvient de rien -. Quant à son père, artiste peintre, qui vit actuellement en Israël, il lui a dit : “Pour la première fois de ma vie, je me sens bien quelque part”. Le plus choquant pour elle est que -  pour la plupart de ses camarades - les Juifs n’ont jamais existé en Lituanie. Les livres d’histoire sur la deuxième guerre mondiale sont très sommaires. 

Tout ce qui concerne la Lituanie concerne les Justes, la responsabilité des Lituaniens est pratiquement occultée, sauf une phrase “Certains lituaniens ont participé au génocide juif” ; toute la responsabilité est rejetée sur les Allemands. En ce qui concerne le chapitre sur les minorités : les élèves font des exposés sur les Juifs, mais c’est n’importe quoi et les professeurs ne les corrigent pas. Un professeur a même affirmé : “que le judaïsme n’existait pas” ! Alors qu’elle protestait, il lui a répondu : “Si tu n’es pas contente, sort”! Sa jeune sœur a vécu, il y a peu d’années, une aventure pénible au lycée à Vilnius. 

Elle avait une amie chez laquelle elle se rendait souvent. Sa grand-mère ne savait pas qu’elle était juive et lorsqu’elle l’a appris, elle a interdit à sa petite-fille de la faire revenir. Toujours le concept selon lequel les mazot de la Pâque juive sont fabriquées avec du sang chrétien. Salomé pense que l’antisémitisme est plus fort dans les villes que dans les campagnes. Pour ce qui concerne l’enseignement de la Shoah dans les écoles, elle ne l’a pas vraiment vécu. Mais elle sait, par sa sœur de 14 ans, qu’il existe. Des documentaires de 30 minutes sur différents sujets sont présentés. Personnellement, elle a assisté à la projection de l’un de ces films - quatre au total - qu’elle a trouvé excellent, réalisé par Saulius Beržinis et présenté par lui-même. La faculté de  pédagogie offre deux cours sur la société et la morale ;  il est obligatoire d’en choisir un. Les cours de théologie sont donnés par des religieux qui traitent principalement de la religion catholique. On parle des orthodoxes, des luthériens, des évangélistes, mais jamais des juifs.

Pour Simon Davidovich, le très actif directeur de la Fondation Sugihara à Kaunas, l’antisémitisme n’est pas le problème majeur de la Lituanie. A ce sujet, il y a une controverse difficile entre l’Est et l’Ouest - il en est de même pour les autres pays baltes - la Lettonie et l’Estonie.  Il poursuit : lors de la dernière campagne électorale d’octobre, l’antisémitisme n’a pas été utilisé, mais il se  souvient qu’une propagande très primaire fut lancée lorsque Efraïm Zuroff, qui vient régulièrement à Vilnius, déclara au Seimas[10] combien les Lituaniens s’étaient mal comportés en tuant et en volant les Juifs. Il en fut de même pour Reuven Rivlin, Président de la Knesset, qui fit les mêmes déclarations, lorsqu’il s’y rendit à son tour en 2003. 

A ce jour, les Lituaniens ne sont pas capables de comprendre le niveau de collaboration et de participation de certains membres de la police et de certaines unités de l’armée. Mais lorsque aux Etats-Unis un article paraît sur un Lituanien que l’on extrade, parce qu’il a servit dans les unités nazies, à nouveau les Lituaniens clament que l’on veut détruire l’image du pays. J’ai beau expliquer lorsque je fais des interventions sur la Shoah auprès des élèves ou des étudiants (naturellement, c’est la même chose pour mes collègues), que les 2 millions d’habitants - Polonais, russes et lituaniens, qui vivaient en Lituanie en 1941 n’étaient pas tous des meurtriers, ils ne me croient pas. Mon sentiment personnel est qu’il y a beaucoup de gens qui croient plus à la version de l’Holocauste selon la version de leurs parents, qu’à celle des faits historiques. Malheureusement, les familles ne racontent pas toute la vérité, ou bien donnent la version patriotique “Rien de mauvais dans notre nation”.

J’ai rencontré Mme Ina Marčiulionyté, ambassadrice, déléguée permanente de Lituanie auprès de l’UNESCO. C’est une femme jeune, à l’écoute. Elle ne connaissait pas le thème de notre rencontre et a paru étonnée par ma question. Pour elle aussi, l’antisémitisme n’est pas la préoccupation majeure des lituaniens. Il n’y a presque plus de Juifs en Lituanie entre 3.000 et 5.000 ; les chiffres varient. Lorsqu’elle a fait ses études, elle avait des amis juifs avec lesquels elle entretenait d’excellentes relations et  n’a jamais pensé qu’en Lituanie, il y avait de l’antisémitisme. L’héritage juif fait partie de notre patrimoine, c’est une richesse. Les jeunes n’y pensent pas et n’y sont pas confrontés. Ils ont d’autres préoccupations depuis l’indépendance du pays. Je ne sais pas si vous savez qu’une centaine de rouleaux de la Thora ont été sauvés par des lituaniens pendant la guerre ; d’ailleurs,  l’année dernière, la moitié d’entre eux ont  été offerts à l’Etat d’Israël. Les autres sont exposés au musée juif de Vilnius de la rue Naugarduko, qui est aussi un Centre de Tolérance contre le Racisme et l’Antisémitisme. En 2002, lors de la foire du Livre de Francfort, la Lituanie avait la vedette et la culture juive y avait une large part, ainsi qu’au musée de la ville.

Lorsque je lui raconte ce qui est arrivé à Salomé Yosade et à Dalia Epstein, elle  semble dépassée par tant de stupidité. C’est pourtant les parents ou  les grands-parents, qui transmettent cela à leurs enfants et petits-enfants ai-je dit. Elle n’a rien trouvé à répondre.

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D’Est en Ouest et du Nord au Sud, j’ai sillonné le pays, traversé des villages, des bourgs et des grandes villes. De l’extérieur, la physionomie du pays a énormément changé, lorsque je pense à mon premier voyage voici douze ans, plus de couleurs, plus de vie. Dans les campagnes par contre, l’évolution est beaucoup plus lente, mais j’y ai vu et senti un peu plus de décontraction, disons de mieux vivre. J’ai constaté aussi, que les jardins des maisons des anciens sthetlech sont flamboyants de couleurs, comme à Semeliškės par exemple. Beaucoup de touristes de toutes nationalités dans les villes, mais aucun dans les campagnes.

A la Fondation Sugihara à Kaunas, comme me l’a dit Simon Davidovich, 30 professeurs ont été formés à l’enseignement de la Shoah en 2003. La même année, 500 élèves sont venus visiter les lieux sous l’égide de l’unité pédagogique de l’Université de Kaunas. De nombreux japonais, 4.000 environ par an viennent honorer la mémoire de leur compatriote à la Fondation, chiffre assez impressionnant.

Au IXème Fort à Kaunas, là où ont été exterminés la plupart des habitants de la ville et de ses environs, y compris les hommes du convoi 73 parti de Drancy le 15 mai 44, Julija Menjiuniené, directrice a exprimé la nécessité de former des guides, en particulier pour ce qui concerne “La salle des Français”. Les visiteurs posent des questions et les guides sont souvent incapables d’y répondre. 

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A Vilnius, j’ai rencontré une jeune étudiante en histoire, qui préparait une thèse sur la Shoah à paraître en anglais[11], rencontre très intéressante, car c’est sur des sthetlech familiaux bien connus de moi sur lesquels j’ai pu lui apporter des précisions et répondre à ses questions.

J’ai pu aussi m’apercevoir en visitant des lieux comme Švenčionys, qu’au musée de la ville on commençait à s’intéresser aux Juifs, qu’une vitrine leur était consacrée et que le cimetière était remarquablement entretenu. Point noir, les restes d’une svastika sur le monument commémoratif à l’entrée du cimetière, que l’on a du mal à effacer. A Plunge, il faut mentionner les impressionnantes sculptures en bois créées par les Lituaniens à la mémoire des Juifs assassinés. En 2001, à Merkiné, petit village au bord du Niemen au Sud du pays, sur la place du village, j’avais visité le petit musée où un habitant du village avait réuni dans une vitrine des photos et des objets se rapportant aux Juifs.
Les librairies de Vilnius ou de Kaunas possèdent dans leurs rayons une abondante floraison d’ouvrages se rapportant aux Juifs et à la Shoah.

Des médailles de Justes sont décernées à de nombreuses personnes, dans bien des cas à titre posthume, ce qui est aussi l’occasion de parler de la Shoah.
L’école d’Etat lituanienne Shalom Aleichem de Vilnius, soutenue également par le JOINT et l’Etat d’Israël, accueille 225 enfants, dont un tiers de non juif.

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En août dernier, avait lieu le Deuxième Congrès Mondial des Litvaks auquel ont pris part 150  personnes venues de 12 pays, dont deux Français, organisé conjointement avec l’ambassade d’Israël auprès des pays baltes, l’Institut yiddish de Vilnius et le musée d’Art de Lituanie. Personne ne pouvait l’ignorer car les colonnes Morris - qui n’existaient pas lors du Premier Congrès Mondial des Litvaks - annonçaient l’événement en lituanien et en yiddish -. A cette occasion deux plaques furent inaugurées à la mémoire de Max Weinreich[12]et de Moïche Kulbak[13]. Cette dernière sur l’initiative de Pranas Morkus, professeur émérite de littérature à l’Université de Vilnius. De multiples concerts de musique classique - extraits de l’opéra “La Juive” de Halévy - également de jazz et de musique contemporaine ont été donnés et deux expositions de peintures ont été inaugurées.


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Le congrès fut marqué par deux expositions de peinture. La première peinture au musée d’Etat de Vilnius présentait une partie des œuvres de Raphaël Chwolès, décédé à Paris en 2002, en présence de l’un de ses fils, Alexandre. Il a rappelé que son père était né à Vilna en 1913, où il avait entamé une brillante carrière, que la deuxième guerre mondiale avait malheureusement interrompue. Il en réchappa en fuyant vers Moscou. Les deux premières salles offraient au regard des tableaux peints dès son retour à Vilna, documents historiques précieux sur l’état de la ville juive que l’on aurait pu sauver, en particulier la grande synagogue. Ce qui est frappant dans l’art pictural de Raphaël Chwolès est la maîtrise de son coup de pinceau, le calme qui en émane au constat de cet immense chaos, en opposition avec les sujets peints. Une telle simplicité m’a semblé correspondre à la modestie de l’homme. Là, réside la grandeur de l’artiste. Il avait 33 ans.

La seconde exposition se tenait dans la nouvelle galerie de peinture de la communauté juive du 4, rue Pylimo où étaient exposées les œuvres de Solomon Teteilbaumas que les parisiens ont eu la chance de découvrir à Paris pour la première fois, en novembre 2001. Sa palette s’est étonnamment éclaircie depuis trois ans. Sa vision du monde est moins tourmentée, elle semble plus sereine, sans avoir pour autant abandonner le sens du mouvement, inhérent à sa personnalité. Il a aujourd’hui 32 ans.

Depuis l’indépendance du pays des témoignages de la présence juive sous forme de plaques commémoratives ont été posées à Vilnius comme celles des petit et grand ghettos. On peut admirer aussi la sculpture du Gaon de Vilna sur l’emplacement de la grande synagogue dans la vieille ville et les plaques en l’honneur du sculpteur Antokolski et de Jasha Heifetz.

Faut-il le mentionner, en contrebas de l’autoroute Vilnius-Kaunas - là où j’ai découvert les restes du cimetière juif de Vievis[14] et une pierre tombale familiale - à côté de la stèle  commémorative que j’ai fait ériger il y a plusieurs années -, un an ou deux après, à 3m environ, une croix avait été plantée. Lorsque je l’ai découverte, j’ai été choquée et l’ai ressenti comme un défi.

                                                                           
Je remercie Vytautas Toleikis, directeur de la Fondation du programme éducatif, qui m’a longuement reçu au Ministère de la Culture et m’a expliqué avec beaucoup de soin le travail entrepris sur l’enseignement de la mémoire de la Shoah depuis 2001. Il m’a aussi fait découvrir l’existence du site “House of Memory”. Il m’a convaincue, par sa volonté et son enthousiasme qu’il y avait des gens désireux que les mentalités changent en Lituanie.

Il est vrai que les pays que l’on appelait de l’Est n’ont pas fait leur devoir de mémoire. Ils commencent à le faire. Il ne faut pas crier au miracle, mais il faut se réjouir que le pays ait commencé à bouger. Il ressort de tous ces témoignages, que l’antisémitisme existe d’une manière larvée et latente. Toutes les personnes que j’ai questionnées ont eu du mal à en parler. On a commencé à le faire pour les jeunes, mais aucun programme en direction des adultes pour qu’ils mettent fin à la transmission de stéréotypes mensongers, stupides et dangereux n’a encore vu le jour.

Toujours est-il qu’un travail intelligent et novateur est mené. La Lituanie maintenant fait partie de l’Union Européenne. Il y a vingt ans, ce pays était pratiquement inconnu de tous. Aujourd’hui, les Lituaniens sont préoccupés par leur avenir, le passé ne les intéresse pas. Il ne faut pas nier non plus qu’ils ont souffert des annexions russes, polonaise, soviétique, qui les ont déportés - comme beaucoup de Juifs lituaniens en juin 40 -, puis par l’occupation allemande pendant laquelle ils ont déchantés. Il faut les aider à faire leur devoir de mémoire ; c’est ce qu’a exprimé Jacques Hutzinger, ambassadeur itinérant en charge de la dimension internationale de la Shoah, des spoliations et du devoir de mémoire, ancien ambassadeur de France en Israël, lors de la célébration du cinquantenaire des Cahiers Bernard Lazare le 17 octobre dernier à Paris.


[1] Bataillon le plus féroce, spécialisé dans la destruction des Juifs, commandé par Antanas Impulavičius
[2]  Actes du colloque, Atminties Dienos - The Days of Memory. Ed. Baltos Lankos 1995 p. 404, note 26. Version trilingue, lituanienne, russe, anglaise.
[3] Historien, Holocaust studies from the Institute of Contemporary Jewry of the Hebrew University, Jérusalem. Premier directeur en 1978 du Centre Simon Wiesenthal à Los Angeles
[4] Ib. note 2, pp. 490 à 491
[5] Historien  des plus réputés pour ce qui concerne la IIème guerre mondiale. Il enseigne à lUniversité de Jérusalem. Né à Kaunas en 1925. De 1941 à 1943, fit partit de la Résistance anti-nazie dans le ghetto de Kaunas (Kovno). De 1943 à 1944, fait parti dans le détachement des partisans Mort aux occupants.
[6] Ib. note 2, pp. 271 à 283
[7]  Henri Minczeles p. 424 postface à l’édition de 2000 de “Vilna, Wilno, Vilnius, la Jérusalem de Lituanie”, 1992, ed. La Découverte

[8] Membre du Comité Français des Jours de la Mémoire composé dHenri Minczelès, Yves Plasseraud, Odile Suganas
[9] Véranda
[10] Parlement lituanien
[11] Holokaustas Traku apskrityje, Lholocauste dans la région de Trakµ par Neringa Latvyté-Gustaitiené
[12] Grammairien et lexicographe, un des dirigeants du YIVO
[13] Poète né à Smorgon (Lituanie) 1896-1940
[14] Cf. Mosaïque ou reconstitution dune mémoire, dOdile Suganas, Ed. Graphein 2000