Cahiers Bernard Lazare - Janvier 2000
Quatre camps sont inscrits au voyage : Auschwitz I, Birkenau, Maïdanek, Treblinka. Oui, ceux du Kaddish. Lectures, films, récits. On sait dit-on, mais ce n’est que sur place que l’on peut mesurer l’ampleur de l’irrecevable, de l’innommable, de l’inacceptable. La veille, nous nous étions rendus à Auschwitz I, le musée. Là, l’horreur est montrée en vitrine : cheveux, lunettes, prothèses, effets personnels. Et on se surprend à essayer de lire les noms sur les valises dans l’espoir de retrouver une preuve tangible d’un disparu. Il y a le block 11, celui de la mort, il y a le block 10, celui des expériences du Dr. Mengele, qui avait désigné le Dr Miklos Nyiszli, déporté, médecin-chef des crématoriums d’Auschwitz pour rédiger les procès-verbaux de dissection, qui étaient directement envoyés à Berlin-Dahlem, à l’attention d’un des organismes médicaux les plus qualifiés du monde. Il neige en tourbillon, ce matin là sur Auschwitz I. Le vent est âpre. Le lendemain, trois kilomètres plus loin, - Birkenau - A Birkenau, on réalise. Nous sommes en condition 0° peut-être moins 2°. Eux avaient jusqu’à moins 10/20°.
La neige a refait son apparition pour nous accompagner et mieux nous faire comprendre. Un vent glacé souffle sur le plateau de Haute-Silésie, grand désert blanc. Personne. La silhouette de cette tour et les rails, que tout le monde a vu sur les photos et dans le film Shoah de Claude Lanzmann, nous y sommes. C’est terrible. Du haut du mirador central, on domine la situation d’où l’on aperçoit les baraques minuscules alignées comme des miniatures, la rampe où descendaient les déportés puis, à quelques mètres, les crématoires. On comprend tout de l’organisation et de l’efficacité du système. Vue accablante. Les écuries-dortoirs en terre battue, les latrines. Tout est là. Marche pour arriver au bord d’un petit étang, autrefois marais, où on jetait les cendres des déportés. Jacques porte-drapeau de l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie avec ses compagnons, Albert et Maxime, mettent à l’eau une gerbe à la mémoire des disparus et demandent une minute de silence.
C’est grâce au modeste mais efficace entrefilet de l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie dans différents journaux de province et le Monde, que la majorité des participants s’est “précipitée” pour se rendre sur les sites du plus grand crime contre l’humanité, où tous voulaient aller depuis longtemps. Plus de 60 participants, venus de régions différentes : Bretagne, Lorraine, Drôme .. - dont le quart seulement est juif - Ages et milieux variés, mais unis dans un bouquet de ferveur au milieu duquel se trouvent deux jeunes maghrébins, Fayçal et Nabil, de 17 et 20 ans, en provenance de Valence - l’âge des trois déportés, qui encadrent le groupe lorsqu’ils furent envoyés à Auschwitz.
Pourquoi ce voyage ? De multiples raisons, mais la volonté d’effectuer cette démarche en dit beaucoup sur l’impact qu’a laissé sur chacun la seconde guerre mondiale. Luce, professeur d’histoire, dont l’adolescence a subi un choc par la violation de son journal intime, s’est identifiée à Anne Frank. Françoise, médecin psychiatre à l’hôpital Rothschild a fait ce voyage à cause ou grâce à ses patients, qui lui parlent de l’incommunicabilité de la Shoah. Il y a aussi Suzanne, juive, qui se culpabilisait d’aller en Pologne à cause de l’antisémitisme et de sa haine des polonais. Elle sent aujourd’hui enfin, qu’elle l’a dépassée. Il y a ce monsieur respectable, peu loquace, à l’écoute de tout ce qui se dit, passionné par cette époque. Ce chauffeur routier, qui a entendu en 1965 une émission sur les juifs et qui n’en avait jamais rencontré. Il y a René, ancien résistant, déporté qui n’a rien oublié, ni non plus du russe, de l’allemand du polonais, qui est venu pour accompagner la Collectivité Pédagogique de Die, avec ses jeunes de Vercheny. Il tourne en rond. Comment ai-je pu survivre ! ... Aujourd’hui je ne le pourrai pas. C’est un homme de conviction. Son tableau d’honneur est sa conduite de vie.
Il y a tonton et ses deux neveux : Guillaume, tout en nerfs et Emmanuel tout amour, un ange parmi nous tous, la tolérance, l’écoute, le questionnement ; c’est notre cœur. Tonton Edmond l’humour, la dérision, la réplique. Ces trois là nous remuent et nous font bouger de l’intérieur. Avec Jacques, Albert et Maxime, ils ont été, à leur insu, les détonateurs du travail du groupe. Faycal et Nabil, ont en charge une association dans un quartier défavorisé de Valence. Ils sont venus pour constater jusqu’où l’intolérance pouvait amener. Tout le monde se côtoie pendant six jours au milieu de tous ses problèmes, petits et grands, ses manies, sa rigidité, son monde, sa culture et cela fonctionne très bien ; à tel point que la veille du départ une réunion est improvisée pour faire le point.
C’est le pasteur qui commence, il n’en peut plus, il faut qu’il décharge son trop plein d’émotion. A travers toutes les étapes, on l’a vu l’œil brillant, peu loquace, faisant taire ses sentiments. Ce soir, il demande tout simplement pardon au nom des religions qui ont laissé faire ces crimes contre l’humanité. Dorénavant, il va organiser un voyage annuel dans les camps. Les révisionnistes n’auront qu’à bien se tenir - N’est-ce pas ce travail de la société civile qui est le meilleur -. Il est lent mais sûr, et se propage comme une toile d’araignée - Emmanuel dit son amour de tous à tous. Denise raconte son étonnement et son émotion lorsqu’elle s’est aperçue qu’il y a une majorité non juive et leur dit combien elle est sensible à leur intérêt. Un autre participant lui répond et avoue avoir appréhendé ce voyage, n’ayant pas l’habitude d’évoluer en milieu juif, il est heureux de l’avoir effectué.
Luce bouleversée dit avec fermeté qu’il faut arrêter de désigner l’autre comme responsable, que le mal est en chacun de nous, au plus profond de notre âme et qu’il nous incombe de transformer les forces du mal en ouverture, en forces créatives pour s’ouvrir à la souffrance de l’autre. Que la Shoah dans son horreur est unique car c’est la première fois dans l’histoire de la création du monde - avec les Arméniens et les tziganes - que l’on décide qu’une partie de l’humanité n’a pas le droit de vivre. Nabil se lève et recueilli dit combien Treblinka l’a marqué, justement parce qu’il ne restait RIEN. J’ai regardé le ciel, j’ai regardé la beauté des arbres, comment cela a-t-il pu se produire. A sa suite, Fayçal déclare que ce voyage qu’il craignait lui a appris beaucoup et annonce que dorénavant son association effectuera un voyage annuel en Pologne, dans les camps de d’extermination.
Nous remontons vers le nord-ouest et nous dirigeons sur Maïdanek aux portes de Lublin. Les Nazis n’ont pas eu le temps de détruire les chambres à gaz et les fours crématoires, qui sont restés en l’état, pris de cours par les Soviétiques. C’est le camp le plus primitif me dit Albert, c’est un camp terrible où le vent de la plaine de Russie souffle sans discontinuer. Cet endroit m’est tellement pénible, me confie t-il, qu’il m’est arrivé d’avoir une colique d’un mois à mon retour. De jeunes israéliens, sont là drapeaux en fête. Le guide polonais me dit qu’il est dommage qu’il n’y ait pas d’échange avec de jeunes polonais. Oui, c’est dommage.
Des forêts de conifères et de bouleaux, fantômes immobiles blanchies de neige, défilent devant nos yeux avant d’arriver à Treblinka situé à 100 km au nord-est de Varsovie. Isolé en pleine campagne au milieu des forêts, il ne reste rien. Des monuments commémoratifs ont été érigés. Un haut-parleur diffuse l’histoire du camp de Treblinka, usine de mort, qui a fonctionné jusqu’en 1943, sa révolte. Début de la fin pour les Nazis. Debout, chacun dans son coin écoute, face aux arbres, en se tournant le dos, ou bien le regard à terre. La terre est la même, les arbres aussi. Puis nous prenons le chemin qu’eux prirent. Jacques s’approche de moi et me confie très doucement, n’oublie que tu marches sur des morts. Partout dans les camps nous avons marché sur les morts. De nombreux blocs de granit jalonnent le chemin, comme ces rails.
On arrive à l’impressionnant cimetière qui brave le temps, face à l’immensité du ciel - des pierres qui parlent avec les noms gravés des localités d’où venaient les déportés. L’Union Soviétique englobe à elle seule presque tous les pays satellites d’alors. Je n’ai pas trouvé Minsk, Vilna, Alyté ou Kovno. Mais ils sont tous là nos morts dans nos cœurs. Au pied de l’énorme ménora, qui se dresse sur le monumental bloc de pierre reposent des fleurs fraîches, et des bougies que l’on a allumé à la mémoire des morts. On en allume d’autres, et Albert, notre pied noir venu de Marseille, récite le Kaddish et me demande les noms. Qui veut mesurer l’ampleur du désastre, doit se rendre à Birkenau et Treblinka - s’il le peut - là, il comprendra.
Varsovie, c’est le ghetto avec les monuments/points de repère de la bouche d’égout d’où s’évadèrent miraculeusement quelques-uns, au monticule/ lieu de réunion secrète où se fomenta l’insurrection. Ici le bâtiment de la Gestapo où furent consignés ceux en partance vers les camps ; là l’Umschlag Platz, point d’embarquement dans les trains. Albert, Jacques et Maxime demandent à Fayçal et Nabil de déposer une gerbe devant le monument du ghetto. Une minute de silence. Albert récite le Kaddish et le Pasteur donne une bénédiction.
Ce qui était un voyage historico-culturel s’est transformé, à l’insu de tous, en un travail personnel dont chacun était plus ou moins conscient. Cette communauté d’êtres différents a rassemblé les ferveurs, les douleurs, et les espérances. Chacun s’est mesuré à lui-même, cherchant sa vérité profonde, mais surtout à l’unisson de l’autre.
Quatre camps sont inscrits au voyage : Auschwitz I, Birkenau, Maïdanek, Treblinka. Oui, ceux du Kaddish. Lectures, films, récits. On sait dit-on, mais ce n’est que sur place que l’on peut mesurer l’ampleur de l’irrecevable, de l’innommable, de l’inacceptable. La veille, nous nous étions rendus à Auschwitz I, le musée. Là, l’horreur est montrée en vitrine : cheveux, lunettes, prothèses, effets personnels. Et on se surprend à essayer de lire les noms sur les valises dans l’espoir de retrouver une preuve tangible d’un disparu. Il y a le block 11, celui de la mort, il y a le block 10, celui des expériences du Dr. Mengele, qui avait désigné le Dr Miklos Nyiszli, déporté, médecin-chef des crématoriums d’Auschwitz pour rédiger les procès-verbaux de dissection, qui étaient directement envoyés à Berlin-Dahlem, à l’attention d’un des organismes médicaux les plus qualifiés du monde. Il neige en tourbillon, ce matin là sur Auschwitz I. Le vent est âpre. Le lendemain, trois kilomètres plus loin, - Birkenau - A Birkenau, on réalise. Nous sommes en condition 0° peut-être moins 2°. Eux avaient jusqu’à moins 10/20°.
La neige a refait son apparition pour nous accompagner et mieux nous faire comprendre. Un vent glacé souffle sur le plateau de Haute-Silésie, grand désert blanc. Personne. La silhouette de cette tour et les rails, que tout le monde a vu sur les photos et dans le film Shoah de Claude Lanzmann, nous y sommes. C’est terrible. Du haut du mirador central, on domine la situation d’où l’on aperçoit les baraques minuscules alignées comme des miniatures, la rampe où descendaient les déportés puis, à quelques mètres, les crématoires. On comprend tout de l’organisation et de l’efficacité du système. Vue accablante. Les écuries-dortoirs en terre battue, les latrines. Tout est là. Marche pour arriver au bord d’un petit étang, autrefois marais, où on jetait les cendres des déportés. Jacques porte-drapeau de l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie avec ses compagnons, Albert et Maxime, mettent à l’eau une gerbe à la mémoire des disparus et demandent une minute de silence.
C’est grâce au modeste mais efficace entrefilet de l’Amicale des déportés d’Auschwitz et des camps de Haute-Silésie dans différents journaux de province et le Monde, que la majorité des participants s’est “précipitée” pour se rendre sur les sites du plus grand crime contre l’humanité, où tous voulaient aller depuis longtemps. Plus de 60 participants, venus de régions différentes : Bretagne, Lorraine, Drôme .. - dont le quart seulement est juif - Ages et milieux variés, mais unis dans un bouquet de ferveur au milieu duquel se trouvent deux jeunes maghrébins, Fayçal et Nabil, de 17 et 20 ans, en provenance de Valence - l’âge des trois déportés, qui encadrent le groupe lorsqu’ils furent envoyés à Auschwitz.
Pourquoi ce voyage ? De multiples raisons, mais la volonté d’effectuer cette démarche en dit beaucoup sur l’impact qu’a laissé sur chacun la seconde guerre mondiale. Luce, professeur d’histoire, dont l’adolescence a subi un choc par la violation de son journal intime, s’est identifiée à Anne Frank. Françoise, médecin psychiatre à l’hôpital Rothschild a fait ce voyage à cause ou grâce à ses patients, qui lui parlent de l’incommunicabilité de la Shoah. Il y a aussi Suzanne, juive, qui se culpabilisait d’aller en Pologne à cause de l’antisémitisme et de sa haine des polonais. Elle sent aujourd’hui enfin, qu’elle l’a dépassée. Il y a ce monsieur respectable, peu loquace, à l’écoute de tout ce qui se dit, passionné par cette époque. Ce chauffeur routier, qui a entendu en 1965 une émission sur les juifs et qui n’en avait jamais rencontré. Il y a René, ancien résistant, déporté qui n’a rien oublié, ni non plus du russe, de l’allemand du polonais, qui est venu pour accompagner la Collectivité Pédagogique de Die, avec ses jeunes de Vercheny. Il tourne en rond. Comment ai-je pu survivre ! ... Aujourd’hui je ne le pourrai pas. C’est un homme de conviction. Son tableau d’honneur est sa conduite de vie.
Il y a tonton et ses deux neveux : Guillaume, tout en nerfs et Emmanuel tout amour, un ange parmi nous tous, la tolérance, l’écoute, le questionnement ; c’est notre cœur. Tonton Edmond l’humour, la dérision, la réplique. Ces trois là nous remuent et nous font bouger de l’intérieur. Avec Jacques, Albert et Maxime, ils ont été, à leur insu, les détonateurs du travail du groupe. Faycal et Nabil, ont en charge une association dans un quartier défavorisé de Valence. Ils sont venus pour constater jusqu’où l’intolérance pouvait amener. Tout le monde se côtoie pendant six jours au milieu de tous ses problèmes, petits et grands, ses manies, sa rigidité, son monde, sa culture et cela fonctionne très bien ; à tel point que la veille du départ une réunion est improvisée pour faire le point.
C’est le pasteur qui commence, il n’en peut plus, il faut qu’il décharge son trop plein d’émotion. A travers toutes les étapes, on l’a vu l’œil brillant, peu loquace, faisant taire ses sentiments. Ce soir, il demande tout simplement pardon au nom des religions qui ont laissé faire ces crimes contre l’humanité. Dorénavant, il va organiser un voyage annuel dans les camps. Les révisionnistes n’auront qu’à bien se tenir - N’est-ce pas ce travail de la société civile qui est le meilleur -. Il est lent mais sûr, et se propage comme une toile d’araignée - Emmanuel dit son amour de tous à tous. Denise raconte son étonnement et son émotion lorsqu’elle s’est aperçue qu’il y a une majorité non juive et leur dit combien elle est sensible à leur intérêt. Un autre participant lui répond et avoue avoir appréhendé ce voyage, n’ayant pas l’habitude d’évoluer en milieu juif, il est heureux de l’avoir effectué.
Luce bouleversée dit avec fermeté qu’il faut arrêter de désigner l’autre comme responsable, que le mal est en chacun de nous, au plus profond de notre âme et qu’il nous incombe de transformer les forces du mal en ouverture, en forces créatives pour s’ouvrir à la souffrance de l’autre. Que la Shoah dans son horreur est unique car c’est la première fois dans l’histoire de la création du monde - avec les Arméniens et les tziganes - que l’on décide qu’une partie de l’humanité n’a pas le droit de vivre. Nabil se lève et recueilli dit combien Treblinka l’a marqué, justement parce qu’il ne restait RIEN. J’ai regardé le ciel, j’ai regardé la beauté des arbres, comment cela a-t-il pu se produire. A sa suite, Fayçal déclare que ce voyage qu’il craignait lui a appris beaucoup et annonce que dorénavant son association effectuera un voyage annuel en Pologne, dans les camps de d’extermination.
Nous remontons vers le nord-ouest et nous dirigeons sur Maïdanek aux portes de Lublin. Les Nazis n’ont pas eu le temps de détruire les chambres à gaz et les fours crématoires, qui sont restés en l’état, pris de cours par les Soviétiques. C’est le camp le plus primitif me dit Albert, c’est un camp terrible où le vent de la plaine de Russie souffle sans discontinuer. Cet endroit m’est tellement pénible, me confie t-il, qu’il m’est arrivé d’avoir une colique d’un mois à mon retour. De jeunes israéliens, sont là drapeaux en fête. Le guide polonais me dit qu’il est dommage qu’il n’y ait pas d’échange avec de jeunes polonais. Oui, c’est dommage.
Des forêts de conifères et de bouleaux, fantômes immobiles blanchies de neige, défilent devant nos yeux avant d’arriver à Treblinka situé à 100 km au nord-est de Varsovie. Isolé en pleine campagne au milieu des forêts, il ne reste rien. Des monuments commémoratifs ont été érigés. Un haut-parleur diffuse l’histoire du camp de Treblinka, usine de mort, qui a fonctionné jusqu’en 1943, sa révolte. Début de la fin pour les Nazis. Debout, chacun dans son coin écoute, face aux arbres, en se tournant le dos, ou bien le regard à terre. La terre est la même, les arbres aussi. Puis nous prenons le chemin qu’eux prirent. Jacques s’approche de moi et me confie très doucement, n’oublie que tu marches sur des morts. Partout dans les camps nous avons marché sur les morts. De nombreux blocs de granit jalonnent le chemin, comme ces rails.
On arrive à l’impressionnant cimetière qui brave le temps, face à l’immensité du ciel - des pierres qui parlent avec les noms gravés des localités d’où venaient les déportés. L’Union Soviétique englobe à elle seule presque tous les pays satellites d’alors. Je n’ai pas trouvé Minsk, Vilna, Alyté ou Kovno. Mais ils sont tous là nos morts dans nos cœurs. Au pied de l’énorme ménora, qui se dresse sur le monumental bloc de pierre reposent des fleurs fraîches, et des bougies que l’on a allumé à la mémoire des morts. On en allume d’autres, et Albert, notre pied noir venu de Marseille, récite le Kaddish et me demande les noms. Qui veut mesurer l’ampleur du désastre, doit se rendre à Birkenau et Treblinka - s’il le peut - là, il comprendra.
Varsovie, c’est le ghetto avec les monuments/points de repère de la bouche d’égout d’où s’évadèrent miraculeusement quelques-uns, au monticule/ lieu de réunion secrète où se fomenta l’insurrection. Ici le bâtiment de la Gestapo où furent consignés ceux en partance vers les camps ; là l’Umschlag Platz, point d’embarquement dans les trains. Albert, Jacques et Maxime demandent à Fayçal et Nabil de déposer une gerbe devant le monument du ghetto. Une minute de silence. Albert récite le Kaddish et le Pasteur donne une bénédiction.
Ce qui était un voyage historico-culturel s’est transformé, à l’insu de tous, en un travail personnel dont chacun était plus ou moins conscient. Cette communauté d’êtres différents a rassemblé les ferveurs, les douleurs, et les espérances. Chacun s’est mesuré à lui-même, cherchant sa vérité profonde, mais surtout à l’unisson de l’autre.
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